Diantre, fichtre et vertuchou ! C’est que je n’écris pas aussi vite que je ne le voudrais ! Reprenons l’histoire là où elle en était… il était donc question de dépôts biomimétiques sur des prothèses osseuses… « Quis ? Quid ? Ubi ? Quibus auxiliis ? Cur ? Quomodo ? Quando ? » [1]
La plupart des prothèses sont faites de métal. Pourquoi du métal ? Principalement pour des raisons mécaniques : quand on vous remplace une articulation comme la hanche ou le genou par exemple, il vaut mieux que ça tienne le coup ensuite quand vous repartez galoper. Et pour ça, le métal, ça fait partie de ce qu’il y a de mieux : titane, acier inox, alliages divers et variés… Cela dépend de ce que l’on recherche : plus ou moins résistant à la corrosion, plus ou moins bonnes propriétés mécaniques, plus ou moins facile à usiner, plus ou moins cher, etc… tout est une question de compromis !

Mais quel que soit celui qu’on utilise, la faiblesse du métal, c’est que lorsqu’on l’implante dans l’os,* il n’y a pas une grande (al)chimie entre les deux. Que peut faire ce pauvre os, en contact avec ce matériau froid et lisse, sans possibilité de s’accrocher ni de s’agripper à lui ?? [petite musique triste, une larme se devine dans votre œil attendri] Et je vous laisse imaginer qu’un implant qui n’est pas en parfaite symbiose avec son os, et qui potentiellement se « déchausse », ça ne fait pas plaisir…
Alors que faire ? [détresse dans votre regard] Tout serait donc perdu ? Heureusement non ! Des vaillants chercheurs, sur leurs chevaux blancs, ont chevauchés les déserts de désespoir pour trouver une oasis d’inspiration (vous ai-je déjà dit que l’objectivité n’était pas mon point fort ?) : déposer à la surface de la prothèse, avant de l’implanter, une fine couche qui ressemble à de l’os. D’où la notion de biomimétisme : on essaye de faire pareil que dans la nature, parce que mine de rien, c’est souvent assez bien réfléchi. Et l’os – il faudra que j’y revienne un de ces jours – c’est en grande partie du phosphate de calcium. Des ions calcium Ca2+, phosphates PO43-, et d’autres (hydroxyles OH–, carbonates CO32-, hydrogénophosphates HPO42-…) qui sont organisés d’une certaine manière, ce qui forme une phase que l’on appelle « apatite ». Ainsi, les cellules de l’os, si elles voient ce phosphate de calcium plutôt que le métal, elles savent quoi faire, et peuvent créer des liaisons chimiques entre l’implant et son hôte.
Donc voilà, le but, c’est de déposer de l’apatite sur les implants métalliques. Et c’est l’objet de cette collaboration entre l’ITT et le CIRIMAT.
Il y a plusieurs manières d’y arriver qui ont déjà été développées : des voies douces, de type « sol-gel », ou un peu plus violentes, comme la projection plasma. ** La solution choisie à l’ITT, c’est une méthode électrochimique : le métal, ici de l’acier inoxydable (un certain 316LSS), est immergé dans une solution (l’électrolyte), qui contient notamment des ions calcium (Ca2+) et phosphates (sous forme H2PO4–). On applique un courant : des électrons vont circuler et interagir avec ces ions (réaction de réduction). Et ces réactions vont perturber la tranquillité de ce petit système, principalement en modifiant le pH (c’est-à-dire la concentration des ions H+) à la surface de l’acier. Et alors qu’une phase de phosphate de calcium comme l’apatite était avant soluble et n’avait donc aucune raison de se former, voilà que ces changements diminuent sa solubilité et elle n’a d’autre choix que de précipiter sous forme d’une fine couche à la surface du métal. Tadaaam !

L’avantage, c’est que l’on peut déposer le phosphate de calcium partout de manière assez homogène, et ce même si la prothèse a une forme un peu biscornue. On peut aussi contrôler l’épaisseur de ce que l’on dépose en maîtrisant certains paramètres comme la concentration des ions, le pH, la température… Bon bien sûr en réalité ce n’est pas toujours aussi simple et aussi « tadam » que ça et ça nécessite toute une étude : il faut réussir à déposer une phase pure qui ait les bonnes propriétés, éviter qu’elle se redissolve avec les conditions qui évoluent, il faut que le dépôt soit bien accroché à la prothèse métallique (sinon c’est un peu retour à la case départ du problème !)… Voilà plein de défis à relever !
Si vous voulez en savoir plus, les premiers résultats associés à cette étude menée par le Dr. Thanh et par la doctorante Nam ont été publiés ici. [2]
Sur ce, bonne journée et à la prochaine !
* pour tous les passionnants détails concernant l’implantation de prothèses comme celles de la hanche, je vous renvoie vers Emmanuelle K., doctorante du CIRIMAT spécialiste des anecdotes particulièrement sordides étayées sur ce genre d’intervention. Mais pour tous ceux qui devraient se faire opérer, ça se passe très bien et c’est bien souvent un grand soulagement, don’t worry be happy !
** Séquence pub, vous pouvez bouquiner par exemple la thèse d’Imane Demnati pour en savoir plus !
[1] Goscinny R. & Uderzo A. (1962). Astérix – La serpe d’or. Hachette, p43 8ème case. Adapté apparemment de Quintilien.
[2] Dinh Thi Mai Thanh et al., Controlling the electrodeposition, morphology and structure of hydroxyapatite coating on 316L stainless steel, Materials Science and Engineering C, 33 (2013), 2037-45.